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Revue Européenne de Psychologie et Droit
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Dragan Brkic : Comprendre la délinquance française
Janick Le Bouder
L’essai que Dragan Brkic publie aux Éditions L’Harmattan, Comprendre la délinquance française, va intéresser celles et ceux qui, outre le plaisir de la lecture, cultivent l’art de la conversation avec ses enthousiasmes, ses digressions, ses intuitions, sa chaleur. Ce texte de 140 pages est en effet une invitation à l’échange et à la réflexion. Le cadre en paraîtra large dans une période où les horreurs de l’actualité amènent à se focaliser sur la fanatisation liée à l’Islam quand on traite de délinquance. L’auteur précise d’ailleurs qu’il réfléchit aux origines de la délinquance et aux réponses à lui apporter et que l’objet de sa réflexion n’est pas la grande criminalité, même si la frontière entre délinquance et criminalité n’est jamais étanche.
Après quelques points d’appui théoriques qui fournissent des références bibliographiques variées, Dragan Brkic s’engage dans un périple sur les traces de la délinquance dans l’histoire, la nôtre et celle de nos voisins. C’est un chapitre teinté d’humour et de gravité, proche du regard de Carlo Levi, exilé dans les Pouilles par le Fascisme et qui, devant l’accueil bienveillant que lui font les paysans misérables, en vient à interroger la figure historique du bandit.
Dragan Brkic analyse ensuite comment notre société, outrageusement figée dans les certitudes rigides de ses modes de pensée opposés (Droite répressive, Gauche supposée laxiste), en vient à produire, entretenir et en quelque sorte accepter un taux élevé de délinquance. En dévoilant les non-dits, les lâchetés et hypocrisies, l’auteur se livre à un réquisitoire qui interpelle chacun-e d’entre nous. Il met en évidence les conflits d’intérêts, calculs politiciens, recherches d’audience médiatique qui obscurcissent l’horizon social. Il insiste sur les risques que représentent pour notre pays tous les préjugés et stéréotypes stigmatisant les populations d’origines étrangères, assimilées à des délinquants probables. Il montre comment la peur, la précarité, la concentration géographique des laissés-pour-compte et des individus déclassés engendre la délinquance.
Le ton de la réflexion de D. Brkic est passionné, parfois épidermique. Cette forte implication personnelle, hors du prêt-à-penser, fait de son essai un texte stimulant, une incursion documentée et vigoureuse dans l’univers de la délinquance qui cristallise les peurs et se nourrit de l’ignorance. C’est une réaction salutaire aux thèses largement diffusées de Zemmour, Houellebecq et consorts. D. Brkic montre en tout cas que les réponses face à la délinquance qui gangrène notre société ne peuvent pas être univoques.
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